France : pays des droits de l’Homme ?
« Pourquoi ce que les politiciens et la presse asservie des pays occidentaux appellent le « problème de l’immigration » est il devenus, dans tout les pays concerné, une donnée fondamentale de la politique des Etats ? Parce que tout ces étrangers qui arrivent, qui vivent et Qui travaillent ici sont la preuve que la thèse de l’unité démocratique du monde réalisé par le marché et par la « communauté internationale » est fausse. Si elle était vraie, nous devrions accueillir ces « étrangers » comme des gens du même monde que nous ».
Alain Badiou
La loi du marché se trouve
actuellement au cœur des politiques menées aussi bien par les grandes instances
internationales, telles que l’UE, la Banque Mondiale ou encore l’OMC, que par
les états. Ces derniers sont contraints, même s’ils adhèrent à cette idéologie
dominante, de déréguler les marchés financiers en supprimant toute entrave à la
libre circulation des biens, des services et surtout des capitaux.
Paradoxalement, la libre circulation des individus est de plus en plus menacée.
Cet état de fait peut s’expliquer par différents facteurs. La fermeture des
frontières permet de préserver une enclave dite « développée » qui
permet d’asseoir un sentiment de satisfaction d’être né du « bon
côté » de la barrière. Ces « privilégiés », persuadés que leur
sort leur est envié par le reste du monde et que l’invasion est éminente, se
réfugient derrière un repli nationaliste et des barrières législatives.
L’Europe-Forteresse prend racine au cœur de cet imaginaire.
Ce qu’on appelle aujourd’hui le « problème de
l’immigration » n’est en fait ni plus ni moins que la reprise de la bonne
vielle thématique de l’ennemi intérieur qui a tour à tour été juif puis
communiste au cours du XXème s. Aujourd’hui le débat se cristallise
autour de problématiques montrées du doigt par le gouvernement, ce qui a pour
effet, d’une part de créer une peur des « étrangers » et de leur
afflux massif et d’autre part de les faire passer pour les responsables des
maux actuels de notre société. Les immigrés deviennent ainsi des sangsues de
toutes « nos » aides sociales, mais sont également ceux qui
« volent le travail (ou le logement) du vrai français ! ».
Alors que les migrations en direction de l’Europe ne
représentent que 4% des migrations mondiales, les discours de nos gouvernements
tendent à nous faire croire, d’une part que des pays comme la France sont
envahis par une immigration massive mais également que la seule manière
d’empêcher un afflux plus massif est de durcir les politiques de contrôle des
migrations. Face à de tels assertions il peut être utile de rappeler que la
France est depuis plus de 25 ans le pays européen dont la croissance
démographique dépend le moins de l’immigration.
Lors du dernier rassemblement organisé par RUSF
(Réseau Université Sans Frontières) le 9 février, il a été possible à travers
l’envoi d’une délégation à la préfecture, d’être confronté à l’argumentaire du
pouvoir institutionnel, incarné ce jour là par un représentant du préfet. Face
à des récits de vie de personnes qui ont été poussé à la migration avec ce que
cela comporte de souffrances et de traumatismes, la seule réponse officielle
est que l’ « on ne peut pas accueillir toute la misère du
monde ». La misère du monde renvoyant implicitement à l’idée reçue qui
veut que les migrants soient « des pauvres » en provenance des pays
du sud, sorte de fourre tout où les catégories de migrations politiques, de
migrations économiques et familiales seraient confondues.
Les critères retenus par l’institution ici, pour juger
de la recevabilité des demandes de titres de séjours, sont donc clairement
subjectifs (il existe bien des lois, mais ces dernière ont l’inconvénient de ne
pas prendre en compte les aspects moraux et surtout humains de ces cas, se
limitant aux catégories prévues par la législation). Cette subjectivité est
relayée dans toutes les strates de la société, du tribunal à la préfecture, en
passant par les médias. Par exemple, on peut entendre au Tribunal des
aberrations du genre « votre femme n’étend enceinte que depuis 3 mois, on
ne peut pas dire que l’enfant ait besoin de son père » ou encore
« cet individus est dangereux pour la société française » (en effet,
il a purgé une peine de 11 mois pour avoir travaillé avec de faux
papiers !)… C’est ce type de discours qui normalise des jugements de
valeurs, et leur donne un caractère prétendument universel (ce qui est bien
entendus faux et prétentieux). La subjectivité se retrouve également dans
l’interprétation et dans l’application de ces même lois : en effet, une personne
sans papiers soutenu par un diplomate influent s’est vu attribuer à titre
exceptionnel un titre de séjour grâce à sa condition (ou plutôt celui qui a
intercédé en sa faveur) !
Au vue de ces constats, on peut affirmer que ces
discours et pratiques, s’opposent à l’idée très rependue qui voudrait que la
France soit une terre d’asile, le pays des droits de l’homme. Ce n’est pas un
Etat de droit que d’identifier les gens à travers leurs papiers. Ce n’est pas
respecter la dignité humaine que de rafler à domicile, que d’aller jusqu’à
enfermer des enfants dans des centres de rétentions.
Ces pratiques sont rattachées à un vocabulaire précis,
qui est lui-même rattaché à un imaginaire collectif basé sur la peur de l’autre
et de l’immigration. Il faut questionner les connotations implicites de ces
termes :
- immigration : la
personne « immigrée », c’est celle qui vient d’ailleurs, de loin, du
sud, pour profiter des conditions de vie ici. On l’associe la plupart du temps
aux déplacements de populations pauvres, qui fuient, parfois clandestinement,
leur pays d’origine. Elles transmettront malgré elles, leur statut discriminant
à leur descendance ; on parlera alors d’immigrés de la deuxième ou de la
troisième génération. Ces immigrés seraient là pour « voler le
travail » (des nationaux), contrairement aux migrations entre pays
Européens et plus largement entre les pays industrialisés, qui seraient là pour
« créer le travail » ou au moins participer à l’essor économique
national. Une autre catégorie a été crée ainsi lorsque l’on a voulu donner une
connotation positive à l’immigration : l’immigration choisie. Ce concept
impose une relation de domination forte de l’Etat sur l’individu, puisqu’il ne s’agit
que de sélectionner un immigré qu’en fonction d’un métier et/ou statut dans la
mesure où il pourra combler un manque sur le territoire d’accueil (et donc être
utile aux intérêts économiques), sans pour autant s’intéresser à la personne en
tant qu’individu.
- étrangers : parler
d’étranger est le fait d’exacerber les différences entre les individus, de les
présenter comme « autre ». Ce statut d’« autre » n’est pas
dû à ce qu’est l’individu en tant que tel mais à son absence de pouvoir, dans
le sens où la personne ne peut répliquer sur un même pied d’égalité puisqu’elle
se trouve dans une position minoritaire, et ne parviendra donc pas à se faire
accepter dans ce qui est considéré comme la norme. Ce procédé d’oppression se
base sur la même rhétorique que ce soit au sujet des étrangers, des femmes ou
encore d’autres groupes marginalisés. La façon de faire du groupe dominant
n’est pas présentée comme un comportement parmi tant d’autres, mais comme LA
norme. Les différences sont ainsi créées par le groupe dominant et apparaissent
comme autant de signes du refus de s’intégrer des personnes stigmatisées. C’est
en fait une manière de faire culpabiliser la personne, quant à ses différences
vis-à-vis du groupe.
- sans papiers : ils
sont considérés comme des gens à qui il manque quelque chose. C’est vrai, il
leur manque la reconnaissance de l’Etat qui passe par l’octroi d’un statut
administratif. La faute leur est mise dessus alors qu’il ne faut pas oublier
que c’est l’Etat qui les place dans cette situation.
Ces
termes sont des marqueurs de l’évolution des mentalités au sein de la
population française et sont largement instrumentalisés, diffusés et banalisés
par les instances étatiques et médiatiques. Ils sont tellement repris qu’ils
paraissent aujourd’hui neutres dans le langage commun, si bien qu’on a
l’impression qu’ils représentent une réalité objective. Cependant, il ne faut
pas oublier que ces termes sont le résultat de volontés politiques et
idéologiques. Ces volontés sont les mêmes qui créent des lois de plus en plus
répressives et sélectives vis-à-vis de l’immigration.